Miséricorde
C’est une petite église romane perdue dans la plaine de la Limagne. Au cœur d’un village traversé par une nationale, où ne subsistent que le Café des chasseurs et la boulangerie. Sur la place de l’église, trois platanes, un parking. Pas de quoi attirer les touristes. Pourtant, une fois la porte poussée, on voit, au fond, toutes les flammes des veilleuses, blanches, rouges, bleues, lumignons, cierges, par dizaines, sur le grand porte-cierges métallique. Tout autour, sur les murs, des ex-voto remerciant pour les grâces obtenues. On vient de loin pour prier Saint Bénilde. Sur les marches du petit autel qui lui est consacré, dans une abside, des cahiers, des stylos. Pour écrire ses prières. Des flammes des cierges, des cahiers, montent les prières muettes, dans la pénombre de l’église. Dans son silence montent les voix des miséreux que sont les hommes, toutes les souffrances et toutes les misères de la terre, à l’unisson, dans la petite église perdue dans la Limagne, dans les synagogues, dans les mosquées, dans les temples, partout, montent les cris muets des hommes, assourdis dans leurs larmes, dans leur chair, partout, plaintes et lamentations montent, en silence, du dedans des hommes, implorant la miséricorde, la guérison, la fin des souffrances, partout, face à des statues de pierre, à des icônes flamboyantes, face au ciel nu, au soleil, à la pluie, montent les prières des hommes, implorant, suppliant, voulant comprendre, pourquoi, les épreuves, pourquoi, le temps, pourquoi, la mort, pourquoi, la joie, pleurant, tous, le visage baigné de larmes, pourquoi, à genoux, tous, allongés, tous, face contre terre, les bras en croix, pourquoi mourir, pourquoi souffrir, pourquoi pourquoi, sans autre réponse que le grand silence de l’église, le sourire d’une statue, la lune dans le ciel, la feuille tombée de l’arbre, le bourgeon de la fleur au printemps, sans autre réponse, que celle, au fond de leurs larmes, au fond de leur cri, de la vie qui bat.